Préparation au travail autobiographique
Revisiter ses anciennes photographies: les photographies de tiers
Nos photographies familiales sont une puissante source
d’inspiration dans la démarche biographique. Il serait donc dommage de les cantonner
au seul rôle d’illustrations !
Parfois, les photos sont disséminées ; on ne sait plus très bien par qui elles sont détenues et il se peut qu’il nous
en reste très peu à disposition… Parfois aussi, les photos sont très abîmées ou définitivement manquantes, suite à un déménagement, un sinistre, un album
égaré…
Nos photographies familiales ont effectivement une
histoire, laquelle s’inscrit bien au-delà de l’instant T immortalisé sur
l’image, cette fraction de seconde offerte à notre regard. L’inégalité et
la diversité des situations qui concernent nos documents familiaux sont
significatives de l’histoire des familles elles-mêmes : familles cosmopolites, unies ou dispersées… Les photos
nous disent également beaucoup, de ce point de vue.
La rareté des images qui nous restent leur confère,
le cas échéant, une valeur affective et documentaire d’autant plus importante.
On aura à cœur d’explorer ces images rescapées afin d’en extraire le plus de
sens possible. C’est dans ce sens que je vous propose ce petit document, susceptible d’aiguiser votre lecture de vos photographies dans la perspective
d’un travail biographique ou autobiographique.
Description de la photographie elle-même
La photographie que j’ai sous les yeux est-elle en
couleur ? En noir et blanc ? Est-elle abîmée, floue, ou au contraire lisible ? A-t-elle été prise par un photographe professionnel,
ou dans un cadre familial ou intime ?
Identification
Qui est présent sur la photo : s’agit-il d’une
seule, ou de plusieurs personnes ? Parvenez-vous à les identifier ?
Les avez-vous connues ou en avez-vous entendu parler ? En quels termes, et
par qui ? Ces personnes sont-elles toujours vivantes, ou aujourd’hui
disparues ?
Les photos de personnes inconnues ou
dont on ne se souvient pas pourront éventuellement attirer notre attention et
initier une démarche de recherche : interroger un membre de la famille, revoir
une tante à qui on n’a pas donné de nouvelles depuis longtemps, consulter les
sources généalogiques…
Description des personnes ou de la personne
représentée(s)
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La posture générale :
Comment la personne se tient-elle ? S’agit-il
d’une photographie de circonstance, une photo de classe par exemple, ou au contraire d’un instantané de la vie quotidienne : jardinage, fête de famille… ? S’il s’agit
de plusieurs personnes : semblent-elles proches ? Ont-elles l’air de
partager un moment ensemble ? Comment se comportent-elles face à
l’objectif : en tiennent-elles compte ou, au contraire semblent-elles
n’en avoir pas conscience ? Si la photo est familiale, qui pourrait en
avoir été l’auteur ?
Les hypothèses de lecture d’une
photographie sont aussi importantes que les « réponses » parfois
impossibles : le récit (auto)biographie est en effet avant toute chose une
reconstitution, par définition
imparfaite ou imprécise, ce qui la différencie de l’étude généalogique stricte.
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La stature, les vêtements, les chaussures nous permettent de donner un âge, de déterminer une
époque historique ou une période de la vie de la personne représentée, une
appartenance sociale : comme le costume militaire, une robe ; je
pense également à ces commerçants en tablier blanc que
l’on voit poser devant leurs boutiques dans les photographies des années 50.
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Le maquillage et la coiffure peuvent également nous donner des indices, ainsi que les accessoires : la personne
porte-t-elle une décoration, des bijoux ?
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Le visage, surtout, nous intrigue. Selon la lumière ou l’expression dans lequel il a été
immortalisé, il peut montrer des ressemblances qu’on n’avait pas remarquées
jusqu’alors avec un autre membre de la famille, voire avec soi-même. Le visage nous indique
un âge, un état de santé. Il revêt de surcroît une puissante dimension expressive.
-
L’observation
d’un visage peut nous apporter des indications sur des personnes seulement entrevues,
ou que nous avons connues à un âge déjà avancé. S’il s’agit au contraire d’une
personne que nous avons bien connue, l’expression de son visage pourra évoquer
des anecdotes oubliées, un trait de caractère. Nous pouvons enfin y projeter
une destinée, si elle nous est connue : le regard nous semblera d’autant
plus intense, l’expression des traits, profonde ou rêveuse…
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Description du décor, observation du contexte
La photographie a-t-elle été prise en intérieur, ou à
l’extérieur ? Décrivez le paysage ou le lieu dans lequel elle s’inscrit :
que voit-on à l’arrière-plan ? au premier plan ? S’il s’agit d’une
scène en intérieur, décrivez la pièce, son mobilier, la décoration murale ou le
carrelage…
On peut avoir de puissantes réminiscences en revoyant
un sol de pièce à vivre sur lequel on avait l’habitude de jouer, petit enfant,
ou une pendule qui marquait les heures lorsqu’on ne parvenait pas à s’endormir
la nuit chez un aïeul… Outre ces anecdotes, et combien même on ne
reconnaîtrait pas directement le décor du lieu où la photo a été prise, des
objets (lampadaire, armoire, papier peint) peuvent nous en évoquer d’autres, et
ainsi nous reconnecter à un autre lieu oublié.
L’observation des photographies
comporte cela de magique qu’elle fait fi du temps et de la géographie. Elle mobilise notre mémoire sensorielle et affective, nous ouvrant les portes de tous les lieux que nous avons pu
fréquenter, par associations d’idées (parfois les plus inattendues).