La singularité de tous ces hommes « Morts pour la France », nécessairement noyée dans les hommages et célébrations collectifs, a retrouvé vie grâce à l’Association Historique Gondecourtoise : médailles militaires de grands-parents, fragments d’obus, articles de presse, cartes, trophées, photographies… Cette collection était mise en valeur par un travail passionné de recherche documentaire.
Des livres retraçant ces courtes vies de fleurs fauchées
étaient également au rendez-vous. Dans son livre Les Bleuets de Gondecourt (2018), M. Jean-Pierre Defrain-Vesschemoët, historien
gondecourtois rappelle, que « [l]la Première Guerre Mondiale a vu le départ
de plus de 500 Gondecourtois âgés de 20 à 48 ans […] laissant parents, femmes
et enfants ». Chaque village, chaque ville de France a ainsi vu partir au
front les enfants qu’elle avait vu grandir, vivre, aimer, et dont beaucoup ne
sont désormais plus « qu’un mot d’or sur nos places », comme disait
Aragon[1].
Sur la base des archives civiles et militaires de la commune
et des Armées (rapports de jugements, correspondances…) l’auteur redonne une
identité aux disparus « victimes de combats effroyables, de maladies… ou
encore passés par les armes, fusillés
pour l’exemple ». Leurs traumatismes, leur peur de mourir mais,
plus encore, d’être oubliés, transparaît à travers quelques lignes laconiques
des documents officiels ou les témoignages de leurs compagnons d’infortune.
L’inégalité des Journaux des unités combattantes traduit le chaos des champs de bataille :
certaines journées sont décrites à l’heure prêt, quand d’autres ont sombré dans
l’horreur des tranchées... En effet, conclut l’auteur, «[…] jamais une guerre n’a vu autant de
disparus, morts sans sépulture. Près d’un Français sur deux a disparu,
déchiqueté par les explosions, prisonnier de la boue ou abandonné sur le champ
de bataille », laissant aux familles le devoir de faire établir par
jugement le décès officiel de leur proche dans les années qui suivirent le
conflit.
Le livre de M. Defrain a cette vertu de redonner à la
brutalité des faits une dimension émotionnelle proprement humaine dans une
période qui ne l’était pas, tout en lui combinant une rigueur historique exemplaire,
en aval et en amont des courtes vies décimées auxquelles son livre rend sobrement
hommage.